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 Cinéastes, plasticiens, médecins ou anonymes s’expriment dans le cadre de la campagne « He for she : « 30 jours contre les violences faites aux femmes » lancée par Patricia Bakalack. Ils dénoncent tout en proposant des solutions contre ce fléau au Cameroun. 

« Aucune bataille féministe ne s’est gagnée sans l’apport, même infime, des hommes, les inclure dans la résolution des problématiques liées au genre, les impliquer dans la lutte contre des inégalités où il y’a des privilèges pour les uns (qu’il est souvent difficile aux hommes d’admettre) et des formes d’oppression pour les autres, en l’occurrence les femmes, est plus que nécessaire », affirme Patricia Bakalack dans le cadre de la campagne digitale qu’elle a lancé en août afin d’inviter les femmes à sortir de cette « attitude passive face aux violences dont elles sont victimes ».
 Cette campagne donne la parole à des hommes d’univers et d’horizons divers. Loin de se lancer dans des discours moralisateurs, chacun d’eux selon le canal qui lui sied le mieux (poème, témoignage, photo), explique pourquoi la violence n’est pas la solution pour s’imposer dans son couple (même si la femme est têtue jusqu’àààà) où en famille. Parmi les nombreux témoignages reçus par l’équipe de la campagne, nous publions  ici (avec l’accord des organisateurs de la campagne),  ceux qui nous paraissent les plus édifiants. 

  « Je crois au sens de l’équité dans le couple », Landry Mbassi, curateur et promoteur culturel

 Landry Mbassi est un artiste photographe et commissaire d’exposition bien connu de la scène culturelle au Cameroun particulièrement dans le domaine des arts visuels. Il est engagé dans plusieurs projets comme le festival « YaPhoto » ou encore les Rencontres internationales des arts visuels de Yaoundé (Ravy), la biennale qui a célébré ses 10 ans en juillet en faisant venir des artistes des 4 continents (Afrique, Asie, Europe, Amérique). Moi qui n’avais jamais entendu ce mordu de l’art abordé un sujet aussi épineux dans notre contexte camerounais, j’ai été frappée par l’hommage rendu à l’éducation reçue de son père ( nous sommes nombreux à nous éloigner des principes reçus enfants).

Son père,  homme de « l’ancienne technologie » qui avait déjà compris que la femme est un « trésor ». Faut-il le souligner ? Landry Mbassi est un fils du pays éton. Une ethnie où les femmes et les hommes sont réputés avoir de la poigne, du caractère. Mais Landry Mbassi sait se montrer doux. Il reconnaît ce n’est pas facile mais « impossible n’est pas camerounais » non plus. Voici son témoigne pour « He for She ». 

« J'ai reçu de mes parents une éducation exemplaire. Et aujourd'hui, devenu adulte, j'en suis hyper fier. Dès le bas âge (car il paraît que ça commence à la base), mes parents m'ont inculqué, davantage mon père, le respect mais encore le rôle et surtout la prise en compte des efforts de chaque personne qui constitue le couple. Aussi lointains que vont mes mémoires d'enfance, il ne me souvient pas avoir vu mon père et ma mère "se prendre la tête" en public et se déchirer devant leurs enfants ou des personnes étrangères à leur foyer. Encore moins mon père portant la main sur ma mère ». (….).

« Cette culture de l'harmonie de couple soutenue par un sens aiguisé du "savoir-gèrer" les moments durs, les incompréhensions et les prises de têtes, ont installé chez l'enfant et l'ado que j'étais un rapport à l'autre - la femme - qui me permet en effet aujourd'hui de la considérer au même pied d'égalité que moi, autant dans la société (dans sa quotidienneté) que dans un espace plus intimiste. Je n'ai en effet jamais considéré la violence comme une option face à l'incompréhension, face à l'erreur ou à un comportement que l'on trouverait injustifié chez sa compagne ». (…).

« La femme est un être qu'il faut accompagner et non cogner »

« J'ai ainsi grandi avec cette conception forte que la femme est un être qu'il faut accompagner et non cogner, nous devons en faire des partenaires, et l'on respecte ses partenaires.(…) Ma mère savait tenir tête à mon père lorsqu'il fallait par exemple discuter budget du mois ou éducation des enfants. Je me souviens que mon père, habituellement plus souple dans ses punitions, se faisait souvent ordonner par ma mère pour nous administrer des corrections qu'elle estimait à la hauteur des bêtises commises. Portait-elle le pantalon dans son foyer? Non. Mon père savait simplement être à son écoute. Et cette attitude m'a guidé tout au long de ma vie: savoir écouter l'autre, lui donner la parole quand c'est nécessaire, la laisser s'exprimer. Tout ceci permet d'éviter les violences que nous constatons de plus en plus dans nos jeunes foyers. Favoriser le dialogue, se mettre à la place de l'autre, le sens de l'équité, voilà d'où je le tiens. »

« Rien ne doit nous inhiber face à la violence tout court, mais plus encore, face à la violence faite aux femmes», Simon Bondje.



 Camerounais de la diaspora, son sens des valeurs,  son respect de l’être humain, de la femme l’ont amené à sauver une jeune fille d’un viol collectif. 

« PARIS, 19 ÈME ARRONDISSEMENT. Nous sommes en 2005, et à l'époque tout juste trentenaire, je traîne un physique de boxeur, une dégaine de videur de boite de nuit, avec l'insouciance de l'âge qui lui sied.

J'a depuis quelques semaines fait la connaissance de nouvelles personnes, toutes camerounaises, ayant des habitudes dans un restaurant dans le quartier Laumière. Nous fréquentons ce haut lieu de « débauche » à la sauce du mboa (du pays) au rythme des grandes Guinness à 10€ la bouteille, des Isenbeck et des ressés (des soeurs) toutes aussi légèrement habillées les unes que les autres... L'une de mes nouvelles connaissances se prénomme aussi Simon, nous sommes de la même ethnie et tous les soirs, mbombo (homonyme) et moi sommes au rendez-vous de lundi à dimanche, de 22h à l'heure du départ. Les samedis, nous restons jusqu'à l'heure du bouillon le lendemain dimanche jusqu’à 8 du matin...
Ce dimanche matin là donc, mbombo et moi sortons de la cave, il est 7h30 environ, Paris se réveille. Je remarque tout de suite un trio qui se dispute près d’une camionnette, deux jeunes hommes, la trentaine, et une jeune femme. « Je ne monte pas avec vous ! » N’arrêtait pas de crier cette dernière que l'un des gars agrippait fortement, essayant de la pousser de force dans la camionnette. J’avais remarqué ce couple, nous étions dans la cave ensemble, et ça buvait, ça dansait langoureusement, ça rigolait, ça flirtait, ça sautait aux yeux que c'était sa go... Mais alors, qu'est-ce qui n’avait pas marché ? L'indifférence des autres "cavistes" devant cette scène m'interpella et pendant que mbombo démarrait sa voiture je partais aux nouvelles, il tenta de me dissuader de m’y mêler:
Mlbombo: Mbombo, laisse-les! Tu les voyais en boîte non ???
Moi: Oui mbombo, je les voyais... Mais non, mbombo, je ne les laisse pas. Ils sont deux, elle est seule. Si elle refuse de monter, elle a des raisons, ils doivent la laisser tranquille, un NON est un NON mbombo. Je vais voir.
Arrivé à la hauteur de la camionnette je salue aussi poliment que les Isenbeck ingurgitées la nuit me le permettaient, et m'enquiers de la situation auprès de la demoiselle qui de près paraissait bien plus jeune, elle devait avoir 20 ans au grand maximum, un fort accent du pays, et une tignasse de Lionne du Brésil.
L’homme me répondit sur un ton peu amène «c’est ma copine, et je vais la ramener de force s'il le faut ! »
Ce n’était pas bien engagé.... Il était furax, son pote au volant, moteur qui tourne...
M’adressant à la jeune femme: « alors Mademoiselle, que se passe t-il ??? »
Le récit dévoila que OUI, le mec était bien son gars, mais que NON, celui qui est au volant elle ne le connaît pas et donc, NON, elle ne veut pas partir avec les deux qui selon elle, avaient un plan un peu gourmand...
Moi: bien, Mademoiselle, que voulez-vous faire?
La jeune femme: je veux prendre le métro...
Moi: d'accord, je vais vous acc...
À peine ai-je commencé la phrase que le gars m’a violemment interrompu: « Si tu ne montes pas, je te gifle ! »
Ma réponse ne s’est pas faite attendre: « Si tu la gifles, je te frappe ! »
Il a giflé sa go, je lui ai collé une gifle du droit, et un crochet du gauche, Game over !
Le djo se rendant compte que le combat était légèrement inégal, remonta fissa dans la camionnette de son ami, et ils ont décampé, la demoiselle est rentrée chez elle, en métro.
Rien ne doit nous inhiber face à la violence tout court, mais plus encore, face à la violence faite aux femmes qui très souvent, part du postulat de leur faiblesse physique. Nous devons intervenir car ce matin là, j’ai probablement sauvée une fille d'un viol collectif aux conséquences que l'on ne pourrait imaginer dévastatrices.
Lorsque je vais à la voiture, mon mbombo me demande « Mbombo, tu n'as pas pris son numéro ? »
Près de 15 ans plus tard, mbombo ne comprend toujours pas...

Simon Bondje

« Désolé de ne pas avoir vu »
Si Landry Mbassi invite les hommes à faire appel au dialogue pour faire face aux tensions dans le couple ou la famille, certains reconnaissent leur culpabilité et demandent pardon. Le 27 août, Roch Lessaint Mie-Ndunga s’est fendu d’un poème à ce sujet. Le voici : 

Pauvres Monde! Tristes hommes!
Faut pas vraiment se fier aux apparences...
Je n'ai pas vu!
Je n'ai rien compris!
J'ai manqué d'attention et de discernement!
J'ai aussi donc été floué, battu, violenté et laissé nu par cet homme, ces hommes qui s'expriment par les points, la violence...
Je n'ai pas des mots...
Désolé de pas avoir vu.
De pas avoir compris...
Annick Ayissi
, je sais qu'aucune parole, aucun regret ne peut guérir toute ses blessures inscrites sur ton corps, gravées dans ton âme... souillées ton esprit... volées ta liberté...
ça ne devrait même pas arriver...
Tu m'en vois désolé...
Pour ton courage...
Pour toutes les
Patoue Yerima
,
Les
Kareyce Fotso
,
les Annick Ayissi,
pour toutes ces héroïnes de ma vie...
Je vous aime!
Sans condition!
Roch Lessaint Mie-Ndunga

Des solutions existent ! : « Bourreau n’est pas une fatalité », Guy Ella

La violence, particulièrement celle faite aux femmes est-elle une fatalité ? De mon modeste point de vue, je pense que non. Il est possible que le bourreau d’aujourd’hui soit l’ami demain. J’ai quelques exemples autour de moi qui m’incite à penser ainsi. Des hommes violents qui ont réussi au fil du temps à tempérer leur ardeur. Certes le processus et long et les « rechutes » ne sont pas à exclure. Mais avec la volonté certains réussissent à changer. C’est pourquoi j’adhère au témoignage de Mr Guy Ella (ci-dessous) et trouve la démarche de Patricia Bakalack dedonner la parole aux hommes assez importante. Les hommes sont souvent les grands oubliés des campagnes de lutte des violences faites aux femmes. Il est certes très important d’apprendre aux femmes que leur corps leur appartient, que personne n’a ne le droit de les obliger à faire ce qu’elles ne veulent pas. Il est aussi important d’éduquer les hommes, de les aider à maitriser leurs pulsions violentes. Car ils sont aussi des « victimes » de cette violence qui les rend dans certains cas, aussi malheureux. Quelle fierté tirer d’une famille disloquée, d’enfants livrées à eux-mêmes, d’une place dans la rubrique des faits divers d’un journal ? Mais il faudrait que les hommes acceptent aussi la main qui leur est tendue, qu’ils acceptent un travail qui prendra sans doute du temps. Ce t réflexion  de Guy Ella est très intéressant.

« Les campagnes contre, quelles qu’elles soient, tombent généralement toutes dans le piège du blâme. Celle-ci, contre les violences faites aux femmes, la parole aux hommes en 30 jours, a d’ores et déjà emprunté cette voie. Un classique donc dans lequel je choisis de m’inscrire en faux, comptant que la loi faisant déjà le job de sanction –dans le meilleur des mondes- il y a bien mieux à faire, avec une approche inclusive de la sortie de crise : comprendre et accompagner le bourreau vers une voie de sortie du cycle de la violence.
J’entends que l’étiquette « bourreau » n’est pas une fatalité, et donc qu’on peut en sortir. Mon leitmotiv : un de soigné, une voire dix de sauvées !

Comprendre le bourreau ce n’est pas forcement excuser sa violence, Elsa Kane

Tout part d’un constat avéré sur les réseaux sociaux: pas un seul post sur les violences faites aux femmes, où un homme ne se fendra d’un « Faut aussi voir ce qu’elle lui a d’abord fait » ou « Elle aurait pu éviter ça », sous-entendu « Elle doit connaître les limites de son homme »… Arguments qui ont l’heur – et à raison - de faire bondir de leurs fauteuils les activistes de la cause, avant que tout bascule dans l’émotionnel, rendant impossible tout dialogue constructif entre les deux parties

Cependant, dans les mêmes réseaux sociaux, jamais vu un post assumé « Je suis un bourreau.», et pour cause, ça n’est pas une étiquette reluisante à mettre dans son CV, preuve que cela est vécu par eux-mêmes comme une honte.
Mais c’est connu, l’Afrique ne sait pas faire face à ses tares, ni résoudre pratiquement ses problèmes, tandis qu’ailleurs les thérapies de groupe existent pour toutes sortes de tares, y compris la violence.
- Comprendre le bourreau c’est donc surtout l’aider à voir qu’il y a de la violence en lui, que cette violence ne dépend pas de comportements extérieurs, et surtout pas des agissements d’une femmes.
- Comprendre le bourreau c’est surtout lui expliquer que ce qu’il prend pour les causes de sa violence, à savoir les paroles ou agissements des femmes, ne sont que des prétextes à l’expression d’une violence que l’éducation n’a pas su éradiquer.
- Comprendre le bourreau c’est surtout l’aider à revivre les scènes de violence dont il est coupable, son émotion après le passage à l’acte, les petits arrangements entre soi et soi-même, à commencer par nier l’évidence « Je ne suis pas violent à la base », puis la fuite en avant « C’est sa faute », le moment de solitude « N’importe qui à ma place ferait la même chose », et bientôt la honte « surtout personne ne doit savoir ».
En effet, « batteur de femmes » est une étiquette difficile à assumer face au public.
- Comprendre le bourreau, c’est surtout lui faire accepter qu’il a besoin d’aide, lui proposer une thérapie pour en sortir, se défaire des chaînes de la violence, en sortes que toute crise, toute agression sur sa personne, trouveront des réponses dignes d’un véritable homme de caractère.
Enfin, soigner le bourreau, c’est résoudre le problème des violences faites aux femmes. » Guy Ella



 

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