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Quand l'amour vire à la tragédie

Elisabeth II Ngo Ond tuée le 16 février

Crimes passionnels. Entre février et mars 2012, la jalousie a coûté la vie à cinq personnes, assassinées par leur amoureux.

Les faits macabres qui ont fait la une de journaux et des télévisions mettaient tous en relief la jalousie meurtrière. Un sentiment qui aura transformé, un instant, l’être jadis aimé en bourreau sanguinaire. Le 16 mars 2012 à New-Bell, un quartier populeux et populaire de Douala, Adjara M., âgée de 19 ans, assassine Sali A., son petit ami dans un accès de rage. L'adolescente s'est servie d'un morceau de vitre qu'elle a planté à trois reprises dans le corps de son copain. Enceinte, Adjara a surpris son amoureux dans les bras d'une autre fille.

Exactement trente jours avant, le 16 février, c'est le meurtre d’Élisabeth II Ngo Ond qui défrayait la chronique à Yaoundé. Agent de la Banque des Etats de l'Afrique centrale (Béac), la femme de 29 ans a été retrouvée morte dans sa voiture au quartier Emana. Élisabeth II Ngo Ond avait les mains et les pieds ligotés par des bouts de tissus pris sur son boubou. Une mise en scène digne d’un thriller hollywoodien, imaginée et exécutée par Joël Ngueti, son fiancé. Le quadragénaire, qui est décrit par ses proches comme un homme autoritaire, jaloux et cupide, aurait laissé libre cours à ses pulsions meurtrières lorsque sa bien-aimée a décidé de mettre fin à leur idylle.

Toujours les hommes
A peine Yaoundé se remet de ses émotions qu’une autre victime de la folie de l’amour est signalée au quartier Essos. Carine, âgée d'une vingtaine d'années, est retrouvée morte le 19 mars à son domicile au quartier Essos. La jeune femme a été égorgée en matinée dans la cour de la concession où elle loue une chambre par son petit ami avec qui elle venait de rompre. Si l’on croit que le crime passionnel n’est que l’affaire des milieux urbains sous l’influence de la télévision, que dire alors du meurtre de Dahie, une ménagère de 30 ans, découpée à la machette par son fiancée qui la soupçonnait d'infidélité ? Le drame s'est déroulé le 2 mars dernier à Kyé-ossi, une localité située à la frontière avec le Gabon. Honoré, son amoureux, s'est par la suite donné la mort par pendaison. Autant de crimes qui suscitent des interrogations sur la santé de notre société actuelle.

Selon Mahomed Mama Njoya, sociologue, le crime passionnel a toujours existé en Afrique. « Mais dans nos sociétés traditionnelles, ça se passait de façon plus subtile. Les gens avaient recours à la sorcellerie », explique le sociologue pour qui l'ouverture au monde sans retenues a eu des conséquences fâcheuses sur les Camerounais. La banalisation de la violence à la télé où tout se règle aux coups de poing ou avec des armes en est l’illustration la plus frappante. La prédominance des hommes comme bourreaux, Mahomed Mama Njoya l’explique par le fait que «  la société camerounaise est patriarcale. Les hommes considèrent qu’ils doivent dominer la femme qualifiée de sexe faible ». En décidant de rompre, les femmes prennent le pouvoir, remettant en question leur virilité. D’où le courroux parfois fatal qui s’en suit.
Elsa Kane


« Il faut privilégier la médiation »

Mireille Ndje Ndje. La psychologue donne quelques conseils pour bien négocier une rupture et éviter ainsi d’éventuelles conséquences dangereuses. 
 

Qu'est-ce qui pousse une personne à tuer par amour?
Le crime passionnel peut reposer sur la haine ou la violence, refoulée ou niée, que comportent les relations amoureuses actuelles ou infantiles des individus. La passion se définit essentiellement par son caractère fusionnel. Ainsi, l'être tout entier de chacun des partenaires s'absorbe dans celui de l'autre et chacun des partenaires court le risque de se confondre avec l'autre. Si celui-ci lui échappe, il perd une partie de lui-même  et par-là, le gout à la vie. Le crime passionnel peut aussi provenir du complexe de sevrage. Lorsqu'un individu sent qu'il est en train de perdre l'affection, l'attention, les faveurs et même le prestige qu'il a auprès de son partenaire. Il existe souvent des signes avant coureurs du crime passionnel. Ceux-ci se manifestent par le caractère des meurtriers. Ce sont souvent des personnes au caractère excessif souffrant de carences affectives très graves. 
 
Ce genre de crime peut-il survenir au sein de tous les couples ?
Non, tous les amoureux n'ont pas la même vision du couple. Comme je l'ai dit plus haut, les auteurs de crimes passionnels sont souvent des personnes qui ont une conception fusionnelle de l'amour. Ce sont des personnes extrêmement possessives, jalouses, pessimistes et ombrageuses qui se trouvent souvent paralysées par la peur de perdre ceux qu'elles aiment. Le crime passionnel peut aussi survenir au sein des ménages où l'un des conjoints ne supporte plus la violence physique ou verbale de son partenaire. Dans ce cas, le meurtrier tue pour « se débarrasser », « se libérer » du conjoint qui lui pourrit la vie.

Quelles attitudes adopter quand le partenaire rejette une rupture?
Il faut privilégier la médiation qui permet de désamorcer les crises. Il faut également prévenir les récidives des violences conjugales pour éviter au partenaire non seulement de rester violent mais de devenir meurtrier. Il faut être  à l'écoute de la détresse de l'autre, se faire aider par des personnes qualifiées lorsque la relation devient tendue dans la durée. Les personnes en charge du suivi et de la prise en charge des couples devraient aussi sensibiliser ces derniers aux conséquences de la violence qui parfois reste longtemps reniée.
Propos recueillis par E.K.

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