Santé.
Les personnes qui en souffrent sont souvent victimes de moqueries et
de stigmatisations.
« Avec
tes yeux à deux heures moins le quart ». Cette injure et
d’autres surnoms, Mickaël Nlend, 30 ans, les a subis quand il
était gamin. A cause de son strabisme, il était tout le temps la
risée de ses camarades de classe. Depuis qu’il est tout-petit, il
a l’œil gauche et l’œil droit qui regardent chacun dans sa
direction. La stigmatisation et le rejet, il les a connus jusqu'à
l'adolescence. « Les enfants refusaient de jouer avec moi. Le
strabisme a pourri mon enfance », se souvient-il avec douleur.
Aujourd'hui, si Mickaël dit ne plus subir de moqueries, il arrive
encore que certains gamins et même des adultes parlent de lui comme
« le gars qui a les yeux à facettes ». Pourtant, par rapport
à sa santé, Mickaël Nlend assure que sa « vue est bonne. Je
vois comme tout le monde ». Au-delà des moqueries, les
personnes qui souffrent de strabisme rencontrent aussi des problèmes
de séduction.
Grande
femme à l'allure de lutteuse, Suzanne N. en sait quelque chose.
Cette commerçante s'est forgée une personnalité de dure à cuire
pour surmonter les rejets dont elle a été victime à cause de son
strabisme. « Mes amoureux m'ont souvent dit que je suis belle
mais qu'ils ne peuvent pas m épouser. Parfois, certains hommes
m'insultent parce que je louche. Moi je m'en fous. Je leur réponds
que je vois juste les choses sous un autre angle. », raconte
Suzanne, avec un sourire qui cache mal sa douleur.
Ignorance
Quand
ils ne sont pas victimes de moqueries, les personnes souffrant de
strabisme doivent faire face à des préjugés qui leur attribuent
des pouvoirs surnaturels. Chez les Ewondo, lorsqu'un enfant nait avec
un strabisme, sa maman est accusée d'avoir transgressé un
interdit en mangeant le « kanga », un poisson
interdit de consommation aux femmes enceintes. Ménagère, Monique O.
dit avoir été accusée de sorcellerie par sa belle famille. «
Elle disait qu'avec mes yeux, je devais avoir quatre yeux et que je
ne voyais pas comme une personne normale », relate-t-elle, amère.
« Dieu merci, mes deux enfants n'ont pas le strabisme »,
se réjouit la mère de famille qui, avant sa rencontre avec le
reporter du Jour, ignorait tout de cet handicap dont elle est
victime. Même son nom. « Mes parents ne m'ont jamais amenée
voir un médecin, sans doute par ignorance », regrette Monique
O.
Comme
d'autres personnes qui souffrent de cet handicap, elle souhaite qu'il
y ait une sensibilisation autour du strabisme pour informer les
populations sur ses causes. D'après certains professionnels des
yeux, beaucoup de gens ignorent que le strabisme peut être dépisté
et traité.
Elsa
Kane
Dr
Bertin Nlatte Odjame. L'ophtalmologue parle des causes du
strabisme.
Qu'est-ce que le strabisme ?
Qu'est-ce que le strabisme ?
Le
strabisme est une anomalie, une affection des yeux assez courante. Il
faut comprendre que les yeux d'un être humain fonctionnent avec un
total de 12 muscles. Ces muscles sont actionnés par les nerfs. Ils
coordonnent les mouvements des yeux de façon à ce que ceux-ci
regardent dans la même direction. Chez une personne ayant le
strabisme, il y a donc une anomalie au niveau du bon fonctionnement
de ces mouvements qu'on appelle parallélisme. Il existe plusieurs
types de strabisme. Un œil peut regarder à gauche, l'autre à
droite ou alors les yeux se rejoignent comme pour se toucher. On
parle de strabisme divergent ou convergent.
Quelles
sont les causes de cet handicap ?
Elles
sont nombreuses. Il y a en qui sont dus à ce que nous appelons les
mouvements de réfraction. On les rencontre chez les myopes et les
hypermétropes chez qui le strabisme survient parce qu'ils font trop
d'efforts avec leurs yeux. Le strabisme peut aussi être causé par
un traumatisme de l'œil, la cataracte, les maladies de la cornée de
l'œil ou du nerf optique, parfois par hérédité. Le strabisme se
transmet en effet des parents aux enfants.
Peut-on
prévenir le strabisme ?
Non,
on ne peut pas prévenir cette maladie dans la mesure où il survient
à la suite d'un traumatisme ou se transmet par hérédité. On peut
cependant le dépister. Les parents doivent effectuer un examen
ophtalmologique de leur enfant avant que celui-ci ait six ans. Et je
tiens d'ailleurs à préciser que c'est chez le nouveau-né que le
strabisme est le plus dangereux. Parce que quand l'œil est dévié,
il n'apprend pas à voir. D'où l'intérêt du dépistage précoce
qui permet une prise en charge rapide.
Comment
le traiter ?
Au
delà de six ans, une chirurgie esthétique qui va réaligner les
yeux s'impose. L'enfant peut aussi porter les lunettes en fonction
des situations, faire de la rééducation des muscles oculaires
(l'orthoptie). Si c'est dû à une cataracte, il faut soigner la
cataracte. Le strabisme peut aussi être opéré chez l'enfant. Chez
l'adulte, le meilleur traitement reste le port des lunettes ou la
chirurgie esthétique. Si le strabisme est dû au diabète, il suffit
de soigner le diabète.
Propos
recueillis par Elsa Kane
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