Santé.
Dans certaines menuiseries de Yaoundé, les ouvriers travaillent
sans protections.
C'est
une ambiance de ruche qui règne ce vendredi 24 février dans la
menuiserie tenue par Athanase Mvogo, au quartier Etoudi à Yaoundé.
Il est 11h. Le bruit assourdissant d'une scie électrique trouble de
temps à autre le silence qui règne aux alentours. Dans l'atelier,
une construction faite en matériaux provisoires, sans ouvertures en
dehors de la porte d'entrée qui laisse entrer une faible lumière,
deux menuisiers poncent des cercueils à l'aide du papier verre. A
quelques mètres de là, un de leurs collègues habillé d'un blue
jeans élimé et d'une vielle chemise recouverte de poussière de
bois s'affaire devant une scie.
Une
forte odeur de bois flotte dans la menuiserie et picote les
narines. La vue est rendue difficile par la poussière qui s'échappe
de la scierie. Malgré cela, aucun de ces menuisiers ne porte
un masque encore moins des lunettes, de casques, des cache-oreilles
ou des gants pour se protéger de la poussière de bois.
Interrogé, Nono, l'un des menuisiers, dit avoir pris l'habitude de
travailler sans protection. En fait, le jeune homme ne voit pas la
nécessité de porter un masque « puisque mes collègues ne le
font pas ». Pour lui, les gants « ralentissent le
travail ». Il ignore pourtant le caractère toxique du bois
qu'il travaille chaque jour de 9h à 17h.
Menuisier
depuis 15 ans, Divine Tomazou sait que l'inhalation de la poussière
de bois est dangereuse pour la santé. Les différentes
allergies (toux, rhume) dont il a souffert ces dernières années ont
fini par le convaincre de la toxicité du bois. Pourtant,
lui aussi travaille sans protection. La seule protection qu'il
s'autorise, c'est de se boucher les narines avec du coton
lorsqu'il travaille le bété. « C'est un bois toxique
qui provoque des écoulements du nez pendant le ponçage.
Généralement, quand j’ai fini le travail, je bois du lait
», affirme l'ébéniste. « C'est Dieu qui donne la santé
puisque après 15 ans de service dans le bois, je me porte toujours
bien », croit Divine Tomazou, avec la foi du charbonnier.
Elsa
Kane
Une
poudre cancérigène
Diagnostic.
Les avis des spécialistes de la
santé.
Selon
le Pr Geneviève Bengono, médecin Orl, au fil des années, les
ouvriers qui travaillent le bois dans des locaux fermés et sans
protection peuvent développer un cancer du nez, des sinus ou de la
plèvre. Ils ne sont pas à l'abri d'insuffisance respiratoire
aigüe et des allergies comme l'asthme. « Ce sont des maladies
professionnelles dans la mesure où elles se contractent en
entreprise », explique l'enseignante de la faculté de Médecine
et des Sciences biomédicales de Yaoundé (Fmsb). D'après
Hermine Abesselo, médecin généraliste, « l'exposition
permanente à la poussière de bois entraîne une irritation des
tissus pulmonaires, ce qui provoque une inflammation des poumons qui
se traduit par une toux sèche, des douleurs thoraciques ». Une
explication confirmée par un pneumologue. Celui-ci ajoute que le
lait bu par certains menuisiers après l'inhalation de la poussière
de bois n'a aucun effet. « Le lait va dans le tube digestif
alors que la poussière et les autres éléments toxiques vont dans
le tractus respiratoire », précise le pneumologue. Les
pneumologues recommandent aux charpentiers de protéger le nez et les
yeux avec un masque et des lunettes, d’effectuer une radio du
thorax chaque année. « Ils doivent aussi faire des traitements
d'entretien contre la stimulation mécanique et chimique causée
par les bois toxiques », conseille Geneviève Bengono.
E.K.
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