Des petits trucs contre la pauvreté et le chômage. Journée internationale de la femme. Sans appuis financiers, livrées à elles-mêmes et sans encadrement, ces femmes ingénieuses ont pourtant un savoir-faire qu’elles ont exposé à Yaoundé du 3 au 6 mars derniers.
Renouveler la
mode camerounaise
Barbara Tsimi
Ngono. A travers ses créations, la styliste
modéliste milite pour le tissu africain.
Le nom de l'association
qu'elle dirige traduit à lui tout seul l'ambition et le souci qui
animent Barbara Tsimi Ngono épouse Amougou. Avec « Association
innov Cameroun », elle travaille pour l'expansion de la mode
camerounaise et surtout l'innovation et la modernisation du style
camerounais. Un pari audacieux qui n'effraie pas ce mannequin tombé
dans l'univers de la mode à 14 ans. Pendant la foire qui s'est tenue
du 3 au 6 mars au boulevard du 20 mai à Yaoundé, ses tenues
confectionnées dans le pagne du 8 mars se distinguaient des autres
par leur originalité et leur extravagance.
En tant que styliste,
elle est avant tout un détecteur de tendances. Elle créée des
habits en fonction de ses envies, de celles de ses clients et de
l'air du temps. Une fois qu'elle a dessiné un modèle, son talent de
modéliste prend le dessus pour donner vie à ses idées. Elle
travaille généralement sur un mannequin en bois, je détermine la
place des plis, des boutonnières, des poches, etc »,
explique-t-elle.
L'allure juvénile,
malgré ses 50 ans, Barbara Tsimi Ngono aime travailler le pagne.
Notamment, le wax et le pagne Cicam qu'elle estime de meilleure
qualité. Ses vêtements sont faits pour les femmes rondes et minces.
Sans gros moyens financiers, la styliste possède un atelier où
travaillent une dizaine de personnes. Elle rencontre plusieurs
difficultés.
« La mode est un art, mais le savoir-faire camerounais
n'est pas assez valorisé », explique Barbara Tsimi Ngono, avant de
s'insurger contre ceux qui veulent être élégants sans y
mettre le prix. « Certaines personnes trouvent que les créateurs
sont chers. Ils veulent acheter les vêtements en deçà du coût de
production. Ça ne peut pas marcher!», s'énerve la styliste.
Barbara Tsimi Ngono garde malgré tout son rêve, celui
d'habiller un jour la première dame.
Elsa Kane
Tisserande aux
mains d'or
Bouquet Hélène
Honorine. La
jeune femme fait des chaussures à la main avec du fil de pêche
Un sourire éclatant et
un optimisme sans faille. Voilà les atouts que possède Bouquet
Hélène Honorine, en plus de ses talents de tisserande. Lors de la
foire qui s'est tenue du 3 au 6 mars dernier au boulevard du 20 mai à
Yaoundé, les articles exposés dans son stand, bibelots et
vêtements, ont suscité beaucoup d'admiration. Surtout ces
chaussures faites à la main. Mocassins, sandales, babouches, il y en
avait pour tous les goûts et les coloris.
C'est auprès de sa
grande sœur, également tisserande, que Bouquet apprend le métier.
Elle travaille avec un cordonnier qui lui fournit des semelles. Sa
matière de base, c'est le fil nylon utilisé pour la pêche à la
ligne. Il est réputé pour sa solidité et sa finesse.
Si le public s'extasie
devant les chaussures qu'elle fabrique, tout n'est pas rose pour la
jeune femme. « J'ai du mal à écouler mes produits. Les clients
disent qu’ils sont chers. Pourtant, je vends des sandales pour
femmes à 7000 F.Cfa et les mocassins à 10000 F.Cfa », se défend
Bouquet. Elle regrette que les clients ne tiennent pas compte du fait
que ses chaussures sont faites à la main. Ce qui représente un
travail laborieux de fourmi qui lui coûte bien des nuits. « Une
chaussure demande en moyenne trois jours de travail quand le design
n'est pas compliqué », explique l'artisane.
Comme beaucoup de petits entrepreneurs, Bouquet rencontre des
difficultés. Notamment le manque de moyens financiers. De l'Etat,
elle dit souhaiter qu'il ouvre des usines où des femmes comme elle
pourront contribuer à l'essor des chaussures Made in Cameroun. « Je
n'ai pas d'argent pour accroître ma production », se plaint
l’artisane. Elle participe aux foires pour se faire connaître et
nouer des contacts d'affaires. « C'est mon gagne-pain, je n'ai
pas d'autres moyens de subsistance », dit-elle.
Elsa Kane
L'art de la teinture
Marcelline
Mbouenboue. Installée
à Yaoundé, l'artisane sait comment produire les couleurs
chatoyantes de l’Afrique.
Marcelline Mbouenboue
aime parler de teinture. Une technique qu'elle a découverte en 2003
à la faveur d'une formation dispensée par une association de
teinturières basée à Yaoundé. Depuis lors, la teinture est
devenue sa passion. Son gagne-pain aussi. Avec l'organisation sociale
pour le service social et humanitaire (Sohumas-Cameroun), une
association qui compte une vingtaine de membres et dont elle est la
présidente, Marcelline confectionne kaba, robes, chemises, etc. Ses
camarades et elle travaillent surtout le coton et le bazin. Les
différentes maquettes qu'elles possèdent permettent de créer des
vêtements aux motifs et coloris les plus divers.
Installée à la maison
de la femme d'Essos, la dynamique teinturière explique que
Sohumas-Cameroun manque de moyens financiers. « Nous rencontrons
aussi des difficultés pour trouver la teinture sur le marché
camerounais. C'est un produit importé, qui vient notamment du
Nigeria où il coûte cher. 50 000 F.Cfa le kilogramme », révèle
Marcelline. Ce coût a une incidence sur les produits vendus par
Marcelline et ses copines. « Nous vendons un kaba teinté à
15 000 F.Cfa. Les chemises en bazin coûte 18000 F.Cfa »,
indique l'artisane.
Habituée des
foires-expositions, des salons, la teinturière a aussi pris part au
dernier Salon international de l'artisanat du Cameroun qui s'est tenu
en janvier à Yaoundé. Son travail à la maison de la femme
d'Essos lui permet d'être au courant de ces différents événements
auxquels elle n'hésite pas à prendre part.
Pour
elle, il s'agit de faire connaître le travail de l'association, de
vendre ses produits et surtout de nouer des contacts d'affaires ou de
partenariat. Car « les Camerounais ne consomment pas les produits
locaux », regrette Marcelline. Elle aimerait que l'Etat baisse les
taux de douane qu’elle juge élevés pour les artisans. « Il faut
aussi que les médias nous aident dans la vulgarisation de la
teinture. Je pense que vous ne parlez pas assez de ce que nous
faisons. Pourtant, ça peut changer le regard des Camerounais sur
l'artisanat en général et la teinture en particulier. ».
Elsa
Kane
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