Une plume au service des femmes
Djaïli Amadou Amal. Ses romans sont traduits dans plusieurs langues.
Djaïli Amadou Amal est la preuve que l’on peut être publié par des éditeurs locaux et connaître un succès continentale. Ces deux romans, « Walaandé ou l’art de partager un mari », 2011 et « Mistiriijo, la mangeuse d’âme », 2015 se sont vendus comme des petits pains. Au grand bonheur d’Ifrikiya, sa maison d’édition. Le premier roman a d’ailleurs été couronné du prix de la fondation Prince Claus, traduit en Arabe et diffusé dans les pays du Magreb et du Moyen-Orient.
A travers une plume à la fois poétique et critique, Djaïli Amadou Amal, s’attaque à un sujet source de polémique : la polygamie. Avec « Walaandé ou l’art de partager un mari », la romancière nous fait pénétrer l’intimité de la famille d’Alhadji Oumarou. L’écrivaine met à nu les sentiments qui agitent les quatre épouses de ce foyer et nous fait entrevoir les effets destructeurs de cette tradition.
« Pauvre petite fille du Sahel, privée d’éducation scolaire. D’ailleurs à quoi lui servira d’apprendre à lire et à écrire ? On a pas besoin de ça pour se marier et tenir un foyer. Pauvre petite femme, livrée un soir dans la chambre d’un inconnu qui a payé la dot et qui a tous les droits sur elle », écrit-elle à l’entame de son livre.
Une peinture lucide des réalités africaines ayant permis à Djaïli Amadou Amal de s’imposer comme une auteure engagée et surtout une plume au service de la cause de femme. En pouvait-il être autrement pour une femme ayant elle-même connue les affres de la polygamie. Mariée à 16 ans pour respecter la tradition, aujourd’hui la belle egyto-camerounaise, file le parfait amour avec Badiadji Horeotowdo, lui-même écrivain.
« Mistiriijo, la mangeuse d’âme » son second livre est venu confirmer son talent. Le livre est une critique de ces croyances transformant toute vielle femme et sans descendance en une sorcière. Le livre est construit de façon originale. L’auteure a situé son texte dans les années 2005 avec des flash-back ramenant le lecteur dans le Maroua des années 1940. « Mistiriijo, la mangeuse d’âme » est parsemé de proverbes peuls. Une autre caractéristique de l’écriture de cette diplômée en gestion commerciale qui s’est aussi fixée l’objectif de promouvoir la culture du Sahel et la culture camerounaise en général. Raison pour laquelle, elle est publiée chez des éditeurs locaux. « Je souhaite que mes compatriotes aient accès à des livres à moindres coûts », soutient la romancière.
Un enfant du pays
Ecrire pour la mémoire
Hemley Boum. Avec à son actif trois romans, l’auteure s’est imposée dans le landerneau littéraire d’Afrique francophone.
Crédit photo : Florian Ngimbis |
Elle
a le contact facile Hemley Boum. Ce ne sont pourtant pas les
sollicitations qui manquent depuis son arrivée au Salon internationale
du livre de Yaoundé (Silya). Entre les journalistes désireux de l’avoir
pour des interviews, les tables rondes à animer et les rencontres avec
un public avide d’échanges, la romancière réussit à trouver du temps
pour chacun. Un petit sourire flottant sur ses lèvres, elle se laisse
volontiers mitrailler par des chasseurs de stars et autres paparazzis.
Hemley Boum est l’une des têtes d’affiches les plus attendues de cette
deuxième édition du Silya. Depuis l’ouverture de ce banquet littéraire,
les conversations tournent autour de son œuvre et davantage sur« Les
Maquisards » publié en mars 2015 aux éditions « La Cheminante ».
Ce
roman bouleversant s’inspire d’une page sombre de l’histoire du
Cameroun : la lutte contre les colonisateurs pour l’indépendance du
pays. L’auteure a choisi une trame mettant en scène dans une sorte de
saga familiale, cinq générations de compagnons de lutte de Ruben Um
Nyobé. Le livre fourmille de détail d’autant que la romancière s’est
appuyée sur une bonne documentation pour construire son récit. Pour
Hemley Boum, il y avait urgence d’écrire sur ce sujet douloureux.
« Il
fallait démystifier le tabou et restaurer la mémoire. Plus important
encore montrer la grandeur d’un peuple qui a su lever et dire non à
l’oppresseur », dit-elle. Et quand on lui demande si elle pense que ce
pan d’histoire intéresse la jeunesse d’aujourd’hui. Elle s’arrête un
instant sourit. Pour cela ne fait un aucun doute. Au-delà du caractère
politique qu’on donne souvent à la lutte pour l’indépendance, le combat
des maquisards est une vraie leçon de patriotisme. Pour elle, la
jeunesse doit savoir que c’est à des petites gens, des paysans sans
connaissance du monde que nous devons la première tentative
d’articulation de l’idée nationale au Cameroun.
Des
convictions fortes d’une intellectuelle que ces études ne destinaient
pas forcement au métier d’écrivain. Titulaire d’une maitrise en sciences
sociales, elle a aussi un troisième cycle de commerce extérieur et un
Dess est marketing et qualité. Des diplômes obtenus entre Yaoundé et
Lille. Sa vision du rôle de l’écrivain est simple et rejoint celle de
l’illustre Aimé Césaire : « être la bouche de ceux qui n’ont point de
bouche », combler les vides en racontant ces histoires qu’on ne dit pas
toujours.
Un
engagement qui a contribué à son sacre comme grand prix littéraire de
l’Afrique noire 2015. Depuis, l’auteure à l’allure de mannequin fait
partie du cercle des 10 écrivains camerounais récompensés par ce
prestigieux prix littéraire. Ceci avec seulement trois livres à son
actif. Une récompense suprême pour une auteure plein d’avenir. En 2013
déjà, elle avait raté de peu, le très convoité prix Ahmadou Kourama pour
son deuxième roman « Et si d’aimer ».
Un enfant du pays
Max Lobé. Installé en Suisse, le romancier s’est taillé une belle place dans l’univers littéraire mondial.
Il n’est pas encore très connu dans son « Mboasu » natal. Mais outre atlantique, Max Lobé est sur les feux de la rampe. Salués par la critique, ses romans sont des succès commerciaux. Les médias occidentaux comme le quotidien Suisse, Le Temps ou le site internet Jeune Afrique.com lui ont consacré plusieurs articles. L’écrivain de 30 ans est en pleine promotion de son troisième roman « Confidences » paru aux éditions Zoé en février 2016. Le roman est inspiré d’un de ses séjours effectué en 2014 au Cameroun. Un voyage l’ayant conduit sur la tombe de Ruben Um Nyobé mort assassiné en 1958.
Dans « Confidences », Max Lobé se réapproprie l’histoire de la guerre de l’Indépendance et de la mort du nationaliste Ruben Um Nyobé. Max Lobé campe son histoire à travers le récit d’une femme âgée : Ma Maliga. Un personnage haut en couleur, symbole de toutes ces femmes ayant combattu la puissance coloniale pas seulement aux côtés de leurs époux mais de façon engagée. Et pour une fois, le Cameroun occupe une place prépondérante dans le roman de ce jeune partie à 18 ans poursuivre ses études en Suisse. « Mon identité est liée à l’histoire cachée des indépendances », dira-t-il d’ailleurs à Jeune Afrique.com.
Si « Confidences » est venu assoir sa
notoriété, c’est surtout son deuxième roman « 39, rue de Berne », éditions Zoé 2013, qui a relève le natif de Douala
au grand public. Le livre
décrit avec humour et finesse, « les paradoxes et les souffrances d'un tout jeune
homme noir et homosexuel ». En 2014, le
livre sera primé du prestigieux prix « Roman des romands ».
La même
année, ce grand adapte des figures de la littérature africaine comme Birago
Diop, Aminatou Sow Fall revient avec « La Trinité Bantou ». Un autre
succès avec lequel le prolixe romancier remporte le select prix de l’Académie
romande en 2015. On comprend donc pour quoi le magazine Forbes l’a sélectionné
cette année parmi les 30 jeunes leaders africains les plus promoteurs. A
ce propos Forbes écrit : « L’œuvre de Max Lobé se caractérise par son
habilité à retranscrire avec justesse, les maux de notre époque ».
Leonora Miano
Mutt-Lon
Eugène Ebode font partie de cette liste. Vous pouvez lire leurs portraits déjà publiés dans ce blog.
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