Livre. Dans son 7ème roman avec lequel elle a remporté le prix femina, la Camerounaise raconte la disparition d’une communauté villageoise pris dans l'étau du commerce triangulaire.
En plein cœur de la forêt équatoriale, le clan mulongo
mène une vie paisible, rythmée uniquement pas des travaux champêtres ou les
naissances d’enfants. Son contact avec l’extérieur se limite à de petits
échanges commerciaux avec les voisins du peuple bwele. Un jour, cette harmonie
vole en éclats à la suite d’un incendie qui ravage le village. Dans la foulée,
les Mulango découvre avec stupeur que 12 de leurs; 2 anciens et 10 initiés ont
disparu. Que son-ils devenus ? Telle est la question qui hante cette
communauté. Pour trouver les réponses, les mères des jeunes disparus sont
enfermées dans une case commune. Mais cette ségrégation ne dénoue pas le
mystère de l’incendie. Peuple pacifique, les Mulango ignorent qu’ils sont
victimes de la traite-négrière, les Bwele ont capturé leurs proches pour les
vendre aux Blancs; « hommes aux pieds de pieds de poule ».
La voix des sans voix
Un roman sombre et captivant qui reconnaît la
responsabilité des Africains dans la traite négrière. Pour l’auteure, c’est
important de le reconnaître parce qu’il subsiste des inimitiés dans certaines
parties de l’Afrique. A travers son livre, Leonora Miano redonne la voix à ces
millions de déportés. Elle se fait aussi la voix de ceux qui ont vu leurs
enfants arrachés sans qu’ils puissent faire quelque chose. Briseuse de tabous,
l’auteure voudrait que les Africains reconnaissent le mal qu’ils se font à
eux-mêmes. Son roman aborde aussi la question de l’identité (une thématique que
l’on retrouve d’ailleurs dans tous ses romans). A la suite d’une autre attaque
des Bwele, les survivants mulango seront éparpillés dans la forêt où ils
tenteront de ne pas oublier leurs origines.
Le style de Léonora Miano est clair, concis et précis.
Ses phrases sont courtes et excédent rarement plus de 30 mots. Conteuse
talentueuse, l’auteur s’est s’approprié les règles de la narration. Comme dans
la plupart des romans de l’auteure, La
saison de l’ombre contient peu de dialogues. Mais les descriptions de
Leonora Miaono sont si précises que le lecteur se sent tout de suite happé par
la force évocatrice de ce livre de 235 pages.
Lire Leonora Miano, c’est assurément faire
l’apprentissage de la langue duala. Dans son dernier roman, elle ne s’est pas
contentée, comme dans ses précédents livres, de donner des patronymes sawa à
ses personnages (Musango, Mukano, etc). On retrouve également de nombreux noms
d’arbres et plantes traditionnelles. La
saison de l’ombre semble structuré et conçu autour de cette langue. Son
usage permet à l’écrivaine de créer un univers intimiste et chargé d’histoires,
qui plonge le lecteur dans une sombre mais belle traversée des profondeurs du
continent noir. A la lecture de l’œuvre, on ne peut manquer de relever la place
que l’auteur accorde aux femmes.
Femmes noires, femmes fortes !
Les personnages féminins sont des fortes têtes. A
l’image d’Eyabé, mère d’un des disparus. Qui la première comprend, qu’il faut
sortir du clan mulango, aller à la rencontre du monde extérieur, afin
d’élucider la mystérieuse disparition de 12 membre du clan. Ebeise, la matrone
la plus âgée du village est aussi une femme de caractère. C’est à elle qu’il
reviendra la lourde tâche d’enterrer tous les membres de son clan, après
l’ultime attaque de leurs voisins bwele.
Honorée de nombreuses fois par de prestigieux prix
depuis la parution de son premier livre, L’intérieur
de la nuit en 2005, Leonora Miano a le don de créer des personnages si
vivants qu’on s’entend presqu’à les voir surgir près de nous. Ce roman
captivant et évocateur rappelle un autre chef-d’œuvre de la littérature
mondiale : Beloved de l’américaine Tony Morrison. Leonora Miano
marche-t-elle sur les traces de prix Nobel de la littérature ? C’est tout
le bien qu’on lui souhaite.
Elsa Kane
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