Nicolas Fargues. Le responsable du bureau livre à l’Institut
français de Yaoundé explique les enjeux du numérique pour les bibliothèques.
De nos jours on parle beaucoup plus de
médiathèques que de bibliothèques. Qu’implique ce changement de vocable ?
Depuis les années 1980, il y a au sein des
bibliothèques, une grande mutation. Avant, on ne trouvait que des livres et des
journaux. Mais avec l’avènement des nouvelles technologies de
l’information et de la communication, notamment l’ordinateur, le Cd audio,
internet, le monde des bibliothèques est devenu plus grand. Au panorama
des livres habituels, les responsables des bibliothèques ont décidé
d’intégrer les médias ou instruments de la communication d’aujourd’hui.
Désormais dans les bibliothèques, on peut écouter la musique, regarder des
films, surfer sur une bibliothèque virtuelle ou lire un roman sur une liseuse.
Est-ce pour cette raison que l’Ifc propose à ses
abonnés la lecture sur tablette tactile, l’écoute de la musique ou encore
des vidéos ?
Il s’agit de faire savoir à notre public qu’il y a une
autre façon de lire. Qu’on peut lire sur du papier imprimé. Mais il y a
également l’encre numérique. C’est le livre de demain et de plus en plus
de personnes utilisent une tablette. La musique, la vidéo permettent
d’attirer un public plus large de sorte que chacun puisse trouver ce qu’il
cherche. Les étudiants par exemple, s’intéressent plus aux livres imprimés et à
la bibliothèque virtuelle. Les adultes se passionnent pour la presse. Le jeune
public qui ne lit pas beaucoup vient regarder des films ou des dessins animés.
A l’Ifc, nous comptons d’ailleurs proposer des jeux vidéo éducatifs dans les
prochains mois.
Mais cette abondante présence du numérique dans
les bibliothèques ne risque pas de renvoyer le livre aux calendes
grecques ?
Non pas du tout ! Premièrement parce que les
médias numériques ne remplacent le livre. Bien au contraire, ces supports
de culture apportent un plus à la bibliothèque. Il ne faut pas perdre de vue
que certaines informations autrefois contenues dans les livres se trouvent
aujourd’hui sur internet. Les bibliothèques ne peuvent pas rester
en marge de cette évolution. Ensuite je suis de ceux qui pensent que le
livre en papier existera toujours. C’est notre matière première et on n’en aura
toujours besoin. Ici à l’Ifc nous privilégions la lecture à
travers des échanges autour du livre. Nous proposons aussi des rencontres
littéraires avec des auteurs à travers le programme « Parlons-en ».
Nous n’allons pas terminer cet entretien sans évoquer
votre carrière d’écrivain. Comment est venu ce goût pour les mots ?
Entre l’écriture et moi, c’est une vielle histoire
d’amour. Tout à commencer par la lecture d’autres auteurs. J’ai toujours aimé
lire. Petit, je dévorais tout ce qui me tombait sur la main. Vers mes 15
ans, c’est intérêt pour la lecture s’est transformé en besoin d’écrire.
Je voulais à mon tour partager ma vision du monde et promener les lecteurs dans
un univers où ils pourront se reconnaître.
Est-ce cet intérêt qui vous amène aujourd’hui à la
tête de la médiathèque de l’Institut français de Yaoundé ?
Je pense qu’on m’a proposé ce poste parce que je
connais un peu le milieu de l’édition. Mais ce n’est pas le même travail.
Ecrire n’a rien avoir avec la gestion des activités d’une médiathèque.
Surtout que les activités que nous avons ici à l’Ifc débordent très largement
le cadre de l’animation de la médiathèque. J’anime par exemple chaque
mercredi, un atelier d’expression artistique pour les jeunes.
Le projet s’appelle « H-Créa » et veut former la nouvelle génération
de talents camerounais en rap, chanson, slam, stand up et arts
plastiques.
Ce nouveau poste au Cameroun, c’est un peu un retour
aux sources dans le pays de votre enfance ?
On peut dire cela. Mon nouveau séjour au Cameroun
est une étape importante de ma vie. Je rejoins en quelque sorte l’enfant que
j’étais ici. Même si je ne souviens pas de tout parque j’étais tout petit
l’époque, le Yaoundé d’aujourd’hui ne ressemble plus beaucoup à celui de mon
enfance. C’est vrai que j’ai beaucoup voyagé dans ma vie. J’ai aussi grandi au
Liban, en Corse, etc, mais je garde un rapport particulier avec le Cameroun.
C’est le pays de ma petite enfance.
En 2011 vous avez reçu le prix France-Culture
Télérama pour votre roman « Tu verras ». Pourquoi avoir écrit
sur un sujet aussi poignant que la perte d’un enfant ?
Parce que c’est une situation à laquelle les parents
sont confrontés un jour. Je suis moi-même papa de deux enfants. Il y a quelques
années, j’ai failli perdre mon fils aîné. Il a eu un accident de voiture sous
mes yeux. Ce petit événement m’a fait réaliser la fragilité des
choses. Des années après ce drame, j’ai eu envie de parler de la peur que
j’ai ressentie ce jour-là. « Tu verras » dit la douleur d’un
homme confronté au décès de son fils adolescent.
Dans vos romans vous opposez souvent deux visions du
monde. La France « d’en haut » et celle « d’en bas ».
Vous parlez également du racisme, des conflits intergénérationnels. Peut-on
dire que vous êtes un chroniqueur social ?
Je pense qu’on peut dire cela. Vous avez trouvé
le bon mot. Il y a beaucoup de satire dans mes écrits par ce que J’aime
me moquer de la façon dont les gens se prennent trop au sérieux. En
fait c’est un moyen de dénoncer les travers de la société et de changer les
mentalités.
Quelle part de vous-même retrouve-t-on dans vos
livres ?
Ecrire c’est de la subjectivité totale. Il
y a toujours une grande part de l’auteur dans ce qu’il écrit. Certains de
mes livres, surtout ceux écrits à la première personne du singulier sont à
tendance autobiographique. Quand j’écris des ouvrages avec plusieurs
personnages comme dans « Le roman de l’été », il y a toujours un
personnage qui me ressemble ou un peu de moi dans chaque personnage. L’écriture
peut parfois servir à conjurer ses propres contradictions. Moi, j’essaye
de rester le plus honnête possible.
Propos recueillis par Elsa Kane
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