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300 mots pour raconter la vie à Kondengui

Livre. Ex-prisonnier politique, Denis C. Fouelefack Tsamo propose avec « Mots et maux de la prison », un glossaire sur le vocabulaire des  prisons. Un travail inédit autant important pour le public, la police et la justice camerounaise. 


 

 C’est un monde résolument à part. Un monde fermé où se côtoie des personnes en conflit avec la loi ou victime de la loi : des professionnels du crime,  des délinquants à col blanc, des détenus politique, des victimes d’erreurs judiciaire. La prison est tout univers avec ses codes, ses lois et son langage à part. C’est à ce dernier élément, le vocabulaire carcéral, que Denis Christian Fouelefack Tsamo s’est intéressé. Il vient de publier « Mots et maux de la prison. La vie carcérale camerounaise en 300 occurrences » (Février 2021) aux Editions du Schabel.

 Arrêté le 26 janvier 2019 dans le cadre des « marches blanches » organisées par le Mrc, le partie politique auquel il appartient, Denis Christian Fouelefack Tsamo a passé 9 mois dans les prisons principales de Dschang, Kodengui, de Mfou, sans oublier les cellules de commissariat et brigade de gendarmerie dans lesquelles il a séjourné avant sa libération en octobre 2019.

 En prison, la tristesse des premiers jours cède vite la place à la curiosité et la détermination d’un intellectuel habitué à la réflexion et à l’observation de la société et ses mœurs. S’il n’est pas linguiste, l’enseignant sait que la langue ou le langage que nous employons traduit mieux le milieu dans lequel on évolue. Les mots du milieu carcéral traduisaient mieux les maux et l’ambiance qui règne dans cet espace  clôt. 

Une ambiance de violence, de fourberie et cachoteries.  La drogue, les menaces de mort font  partie du décor. Alors quand un  de vos codétenus  vous dit : « Je vais te coudre un costume », ne vous réjouissez pas trop vite en imaginant la beauté de ce sur-mesure sur vous. « Il s’agit de créer un  problème à un codétenu à la hauteur de la rancune qu’on a vis-à-vis de ce dernier. Dans le cas d’espèce, un détenu peut citer ton nom dans une sale affaire comme complice juste pour te mettre réellement en difficultés », explique Denis Christian Fouelefack Tsamo dans son livre.  

La promiscuité en cour dans ce milieu, donne aussi lieu à un des mots particuliers. «Dormaterre » : les prisonniers qui dorment par terre ; « Dormadehors » : ceux qui dorment dehors quelques soit le temps, les « Macouloir », ceux qui dorment dans les couloirs, les « Dormabèlè», ceux qui dorment sur le ventre et doivent garder cette position toute la nuit.

A travers « Mots et  maux de la prison », on découvre aussi l’existence d’une forme de solidarité entre détenus en même temps qu’on pénètre  dans  un quotidien dont la gestion est en grande partie laissée aux mains des prisonniers. Ils sont chefs de « quartier »,  font la police,  font le garde-malade de leurs codétenus,  « siffle les effectifs », chaque soir à 19h et vont parfois chercher « Les gaspards », gardiens de prisons,  pour des fouilles.

 Codée, difficile à comprendre, le lexique  carcéral camerounais est un puissant mélange d’expressions tirées des langues locales comme le bassa, l’ewondo, le bafia et du français, de l’anglais, du pidjin et du camfranglais.

La rédaction des 60 pages de ce glossaire ont mis la vie de son rédacteur en danger. Comme il le raconte d’ailleurs dans l’avant-propos. « Il fallait braver la peur pour franchir les obstacles permettant de pénétrer les cadres réservés aux détenus de droit communs, habitués du milieu  et aguerris aux vocabulaires. », écrit le « Kamtosar », nom donné aux militants du Mrc en prison.

 Avec « Mots et maux de la prison », Denis Christian Fouelefack Tsamo  ouvre un boulevard dans lequel les sociolinguistes pourront s’engouffrer et traiter avec plus de profondeur ce sujet inédit qui a nécessité neuf mois d’une minutieuse enquête à son auteur.

 Elsa Kane Njiale 

  Maux et Maux de la prison           

Denis C. Fouelefack Tsamo

 Edition du  Schabel, février 2021

 61 pages

 

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