Familles. Surprotégés par leurs
parents, certains doivent aussi faire face à la solitude

« J’ai un cousin qui, jusqu’à présent,
se comporte comme si le monde tournait autour de lui. Aucune décision ne se
prend dans la maison de ses parents sans son aval », explique Idriss Menama.
Cependant, sa toute puissance dans sa
famille n’est pas toujours que du bonheur. C’est la grande solitude qu’elle vit
qui a poussé Lucrèce Obam à chercher de l’affection fraternelle auprès de
toutes sortes de personnes. Très sociable, la vulnérabilité de la jeune femme
l’a cependant souvent conduite dans les griffes d’individus intéressés. Mais si
les enfants sont à blâmer pour leurs mauvaises habitudes, il ne faut pas
oublier que les parents sont pour beaucoup dans cet état des choses.
Omniprésence
Certains parents ont en effet tendance
à démontrer à leur enfant qu’il est le « messie », surtout s’il est arrivé
alors que tout espoir était perdu. « J’ai eu ma fille tard. Vers 39 ans. Ce n’était pas un choix, c’est arrivé comme
ça. J’ai toujours voulu fonder une famille mais dans la vie, on n’a pas
toujours ce que l’on souhaite. Ma fille c’est la prunelle de mes yeux. Mon mari,
mon amie, ma sœur et tout. Je serai toujours là pour elle. Elle ne souffrira
jamais », confesse Gisèle Nga, maman d’une fillette de 4 ans.
Cependant toute situation ayant
son revers, la grande attention accordée aux « bébés chéris » se transforme au
fil du temps en carcan parental. « Ma mère m’appelle tout le temps. Elle veut
savoir avec qui je suis, ce que je fais, quand je vais passer lui rendre visite
? C’est épuisant à la longue. Toutes
les petites-amies que j’ai eu ont toujours rompu avec moi à cause de
l’omniprésence de ma mère dans ma vie. Mais je ne peux pas lui dire qu’elle m’étouffe,
j’ai peur de la blesser. Elle est quand même la première femme de ma vie. Si
mon départ de la maison a été une grosse déchirure dont elle a encore du mal à
se remettre, imaginez que je lui dise de me lâcher la bride », redoute Damien
Manga, âgé de 32 ans. Comme quoi, il n’est vraiment pas facile d’être enfant unique.
Elsa Kane
« Il est au centre de tout »
Mireille Ndje Ndje. Psychologue, elle dit comment équilibrer la vie
d’un enfant unique
Quels dangers y a t-il à tout passer à un enfant unique?
Il y a des préjugés qui pèsent sur
les enfants uniques : gâté, égoïste, asocial, fragile, immature, capricieux.
L’enfant unique n’a pas une personnalité type due au manque de frère et sœur,
mais il peut être confronté à des problèmes spécifiques. Cet enfant est souvent
l’unique objet d’amour de ses parents. La surprotection de certains parents
peut fragiliser les enfants et les empêcher de prendre confiance en eux. La
fratrie a un rôle déterminant dans l’épanouissement de l’enfant. Elle lui donne
le sens du jeu et la possibilité d’interpréter des rôles, l’aide à développer
sa créativité et sa spontanéité, lui permet d’exprimer son agressivité et lui apprend
à la canaliser, ce qui le prépare à la vie en société. Cependant, il y a
quelques avantages pour les enfants uniques. L'enfant qui grandit seul à la maison
acquiert plus d'aisance avec les adultes. Elevé entre deux adultes, il est
souvent stimulé intellectuellement. Souvent entouré d'adultes, il apprend également
à parler plus tôt et enrichit rapidement son vocabulaire.
Y a-t-il un type d’éducation à promouvoir?
Ce qui est important dans l’éducation
de l’enfant unique, c'est l'attention et l'écoute que l'on lui apporte. Il faut
ouvrir la famille vers l’extérieur, accueillir des visites, recevoir des amis. Inviter
régulièrement cousins, cousines, petits copains à la maison ou amener l’enfant
vers eux est un bon moyen de le confronter à ses pairs. De même, il est
important de le faire participer aux colonies de vacances, qu’il fréquente les
clubs sportifs et associations culturelles. Une scolarisation précoce, si elle
est bien vécue par l’enfant, peut également l’épanouir. Il ne faut cependant
pas aller à l’encontre de la personnalité de l’enfant, il faut respecter son
caractère, ses passions et ses intérêts.
Quels sont les risques pour les parents à ne pas assurer une certaine
distance qui autonomise l’enfant?
Le risque pour l’enfant unique
est qu’il est souvent le seul objet d’amour de ses parents. Au centre de toutes
les attentions, l’enfant unique est souvent surprotégé. Ce qui lui confère un
profond sentiment de sécurité et une impression de toute-puissance, cependant,
il hésite parfois à s’aventurer à l’extérieur, de peur d’être remis en
question. L’enfant unique est souvent très entouré par ses parents mais il
connaît aussi la solitude et, parfois l’ennui, la tristesse. La situation de
l’enfant unique devient particulièrement délicate lorsqu’il se retrouve seul
avec un des deux parents le plus souvent la mère. Cette dernière, totalement
accaparée par son enfant, est tentée d’avoir 0avec lui un lien exclusif. De
cette trop grande proximité peut naître une confusion des rôles, notamment
lorsqu’il s’agit d’un garçon. Cet enfant mâle que la mère entoure de toute sa
tendresse peut devenir inconsciemment l’amant interdit. Si le manque
d’affection chez cette mère persiste, les liens avec son fils peuvent devenir
passionnels. Les mères qui élèvent seules leur enfant doivent se préserver un
temps pour elles et conserver une vie intime. Même si le père est absent, il faut
parler de lui et le faire exister dans la tête de l’enfant.
Propos recueillis par Muriel Edjo
Commentaires
Enregistrer un commentaire